
Projet Yacashama
= pour la Littérature Amazonienne =
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Arturo D. Hernández, données biographiques et oeuvre
Arturo D. Hernández : le romancier de la Forêt Basse
Sangama : le roman de la forêt amazonienne de Arturo Demetrio Hernández, publié à l'occasion du 400ème anniversaire de la découverte du fleuve Amazone, est considéré comme la première véritable réussite du roman amazonien.
La célébration de ce 400ème anniversaire provoque aussi l'apparition de nombreuses oeuvres littéraires à Iquitos. La plus remarquable d'entre elles est Sangama (…) Roman d'aventures, d'interrogations sur l'identité andino-amazonienne, d'introspection dans l'exubérance et dans l'exotisme amazonien (selvático), et une intrigue passionnante, parmi les meilleures créées dans l'Amazonie [1]. (Traduction par Yacashama)
Les romans de Hernández, écrivain que nous avons déjà présenté dans l'article précédent, ont toujours pour thème la forêt. Son oeuvre régionaliste valorise l'espace national qu'est la région péruvienne de l'Ucayali et sa forêt. Même si à travers ses récits, elle peut présenter plusieurs aspects négatifs et dangereux pour l'Homme, cet espace subit un autre traitement littéraire que dans d'autres romans régionalistes qui satanisent systématiquement la forêt.
Bien au contraire, l'idée (ou l'utopie) qui se dégage de ses romans décrit la forêt comme le nouveau centre duquel pourrait naître un nouveau type de société, tout en suggérant que l'être humain est forcé de s'adapter à la Nature. Comme Izquierdo Ríos, il croyait au rôle de la région amazonienne dans le futur du Pérou :
La forêt est notre aujourd'hui, elle est notre demain, elle est peut-être la terre de l'avenir. Mes oeuvres apportent le message de la forêt au coeur de la patrie. La terre de l'arbre et des grands fleuves a jusqu'à ce jour pesé négativement dans la balance des valeurs, au Pérou. Comme s'il était inutile, ce morceau de terre où la vie est en perpétuelle gestation, où l'homme vit avec la soif des défis à relever, où bourgeonne de fleurs et de chants d'oiseaux l'arbre qui est aux pieds de Dieu [2]. (Traduction par Yacashama)
Ce sont des romans de voyage et par conséquent d'apprentissage qui n'essaient pas d'effacer les différents types de discours: il y a des notions de géographie, d'histoire, d'ethnologie, de linguistique. Ils peuvent également inclure rêves, légendes et scènes de type romanesque.
Ce sont des romans d'aventures qui se déroulent dans des espaces immenses, dangereux, inconnus, comme la forêt, qui est l'image terrestre de la mer et qui contient des lieux mythiques. Ils nous parlent de la présence en ces lieux étranges de nombreuses croyances, superstitions, d'innombrables mythes et légendes, signe que l'imaginaire est une des essences indispensables à la formation de la littérature amazonienne et son identité propre et profonde.
Francisco Izquierdo Ríos, avec le conte, et Arturo Demetrio Hernández, avec le roman, sont des auteurs, des narrateurs pionniers qui modifient, nuancent les visions initiales traditionnelles et univoques que subissait la forêt et qui étaient bien enracinées dans les esprits de l'époque. Ils se consacrent au traitement de l'espace mais aussi à celui des personnages qui y vivent, et qui, comme tous les hommes, ont des rêves d'idéaux, des objectifs, des croyances et des peurs, une perception du monde, etc.
Le troisième débat de la première rencontre de narrateurs péruviens, qui s'est déroulée à Arequipa en 1965, nous fournit l'évaluation du processus du roman péruvien, par les auteurs présents, dont Izquierdo Ríos et Hernández. La meilleure manière de résumer et d'illustrer ce qui vient d'être dit est de les laisser parler de leur projet littéraire :
[Izquierdo Ríos parle] (…) Je termine, en soulevant une question presque régionale: à chaque fois qu'on parle de notre pays, et c'est aussi en train de se passer ici, on oublie la Forêt, peut-être à cause de l'ampleur de la réalité andine et d'une série de causes connues; il est toutefois nécessaire de rappeler que le Pérou est formé par trois grandes régions naturelles : Côte, Montagne et Forêt. La Forêt aussi est une région dynamique et d'influence indéniable pour le futur du pays et je considère que nous devons chercher à mieux connaître, intégralement le Pérou, aussi au nom d'un Pérou nouveau. C'est tout. (…)
[Hernández parle] Je suis profondément d'accord avec l'écrivain Izquierdo Ríos, mon grand ami, pour dire que dans le roman national on ignore l'apport de la forêt, de l'habitant de la forêt. Naturellement, la forêt est une région géographique qui fait partie du Pérou et, en conséquence, on ne peut pas ignorer sa contribution au roman national, qui est déjà considérable. (…) mes oeuvres ont un contenu qui est la révélation du milieu physique de l'intérieur vers l'extérieur. On a toujours décrit la forêt depuis le point de vue extérieur, objectivement; c'est l'appréciation du touriste. On n'a pas décrit la forêt depuis le point de vue du "selvático" (habitant de la forêt), c'est-à-dire, depuis l'intérieur; mes oeuvres le font et là se trouve peut-être leur mérite (…). Mais mes oeuvres possèdent un message, un message pour la nation, ce message est de faire savoir que là-bas il existe des gens qui pensent, qui ressentent, qui souffrent, qui ont une volonté et qui sont aussi péruviens que tous les autres peuples du Pérou [3]. (Traduction par Yacashama)
[1] VÍRHUEZ VILLAFANE, Ricardo, "La literatura en Iquitos" dans Iquitos de VARON GABAI, Rafael, Varón Consultores Asociados, 2014, 334 p.
[2] Primer encuentro de narradores peruanos Arequipa 1965, Segunda Sesión, Intervención de Arturo D. Hernández, Arequipa, Casa de la cultura del Perú, 1969, p. 45-48
[3] Ibid., p. 246-259.

Carte de la région de Loreto, Pérou