
Projet Yacashama
= pour la Littérature Amazonienne =
Arturo Demetrio Hernández
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Arturo D. Hernández, le romancier de la Forêt Basse
Données biographiques et oeuvres
La forêt avait déjà fait son apparition dans les lettres péruviennes avant la période réaliste régionaliste: déjà en 1905 avec la publication de Apuntes de viaje en el Oriente Peruano par Jorge M. von Hassel. Ensuite en 1918 avec l'oeuvre Leyendas y Tradiciones de Loreto, écrite par Jenaro Herrera (1861-1941), et en 1928 est publié ce que l'on considère comme le premier roman amazonien péruvien, Sacha-Novela, de César Augusto Velarde (1861-1941), mais le régionalisme fut un courant qui dédia encore plus d'importance littéraire au thème de la forêt.
On ne peut pas parler de la prose régionaliste selvática (en français : "de la forêt", "sylvestre") sans mentionner l'oeuvre de Arturo D. Hernández, écrivain considéré comme le romancier de la forêt amazonienne péruvienne. Arturo Demetrio Hernández, fils de Julio César Vargas et Filomena del Águila, est né en 1903 dans la province de Requena qui fait partie du département de Loreto au Pérou. Il décède à Lima en 1970.
L'écrivain est né et a grandit à Sintico, un hameau de caucheros (travailleurs qui se consacre à l'extraction du latex, caoutchouc) se situant en pleine région forestière, sur la rive gauche du fleuve Ucayali. Pendant sa jeunesse, avant d'être admis à l'armée pour le service militaire, il travailla dans la récolte de caoutchouc (caucho, en espagnol).
En 1921, Hernández participa au mouvement révolutionnaire contre l'abandon de l'Orient péruvien (dite la révolution de Cervantès), il fut arrêté comme prisonnier politique et libéré à Lima deux ans plus tard. C'est dans cette ville, qu'il ne connaissait pas, qu'il souffrit de la faim et dut lutter pour survivre grâce à divers emplois précaires. Heureusement, son oncle le Dr. Enrique Gamarra Hernández l'aida à obtenir un travail dans la marine où il monta les grades et put ainsi suivre ses études à l'université, souhaitant être avocat.
C'est en 1943, un an suivant la publication de son premier roman, qu'il fit son retour à la forêt, à sa terre d'origine, vingt ans après son départ. En plus de ses fonctions militaires, il donna des cours d'Histoire et de Géographie au collège et commença la rédaction de ses autres romans. A Iquitos il entra en contact avec un autre auteur péruvien fondamental : Ventura García Calderón, qui fut le “promoteur” de l'édition et de la diffusion de Sangama en Europe où il se convertirait en best-seller.
En 1950, il épousa Talma San Martín del Castillo qui, plus tard, se verrait chargée de la conservation de son oeuvre et de l'éducation de leurs trois enfants. Arturo D. Hernández revint à Lima en 1952, et grâce à son deuxième roman Selva Trágica publié en 1954, il remporta le plus grand prix de la littérature péruvienne : le Prix National Ricardo Palma, signe de sa position parmi les meilleurs romanciers péruviens.
Ce que l'on connaît de son parcours à ce jour nous fait déduire qu'il ne s'agit pas d'un écrivain de formation, mais d'un homme ayant une riche expérience de vie et de la forêt qui « écrivit sur ce qu'il connaissait: il a été navigateur, shiringuero [¹], son père avait été chercheur de caoutchouc [²] ».
Son intervention lors de la Première rencontre de narrateurs péruviens à Iquitos en 1965 le confirme:
Comme je l'ai dit dans mon témoignage, un voyage que j'ai fait à l'intérieur de la forêt vierge m'a inspiré l'oeuvre Sangama, mais pas avec l'intention d'en faire un roman, parce que je suis romancier par coïncidence (je suis tout "par coïncidence", tout ce que je suis je le dois aux coïncidences, car ça ne peut pas être autre chose, je suis ce que je suis [³]). (Traduction par Yacashama)
C'est pourquoi on parle du caractère spontané de la prose de Arturo D. Hernández qui, grâce à son inclination naturelle à la littérature, put se faire une place parmi une génération d'auteurs péruviens dits régionalistes et/ou indigénistes comme José María Arguedas (un des écrivains indigénistes les plus connus), Ciro Alegría (un des leaders de l'indigénisme), Francisco Izquierdo Ríos (un des plus importants narrateurs péruviens régionalistes du XXème siècle), etc.
Quand on cherche des informations à propos du courant littéraire de l'oeuvre de Hernández, on peut lire qu'il est «un des représentants du courant littéraire péruvien dénominé régionalisme [4] » aux côtés des auteurs que nous venons de citer. La prose régionaliste péruvienne s'est consolidée dans les années 1930. Elle naît du mouvement réaliste qui suppose une rupture avec le romantisme. Elle regroupe le réalisme régionaliste et social – réalisme côtier, montagnard, sylvestre – ainsi que l'indigénisme. En général ces oeuvres rapportent les problèmes politiques, économiques et sociaux propres d'une région.
Arturo D. Hernández s'est peut-être vu éclipsé par ses compatriotes qui connurent plus de succès littéraire. Cependant, le premier roman de sa trilogie est, selon le chercheur Ulises Juan Zevallos Aguilar, «un des romans les plus lus au Pérou (…) il a contribué à la formation d'une vision de l'Amazonie chez plusieurs générations de citoyens péruviens [5]» (Traduction par Yacashama).
En effet, tous ses romans sont en relation avec la forêt du Pérou:
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Son premier roman, Sangama : roman de la Forêt Amazonienne [6] (Sangama : novela de la Selva Amazónica [7]), publié en 1942 est celui qui le fit connaître en tant qu'auteur suite à sa distribution en Europe. Il raconte les aventures d'un jeune explorateur, Abel Barcas, qui, après avoir libéré le village de son cruel gouverneur, devient associé d'une compagnie d'exploitation de caoutchouc. Il part donc à la recherche de nouveaux shiringales (terrains où poussent les arbres desquels s'extrait le latex) dans la forêt vierge, avec son ami Luna le matero (expert dans l'exploration de la forêt et la délimitation des champs d'exploitation appelés estrades), et Sangama le savant chaman-guérisseur qui, au travers de nombreuses péripéties, lui enseignera les secrets de la forêt.
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En 1954, il fait publier le roman La Forêt Tragique [8] (Selva Trágica [9]) qui relate l'expérience de Mariana, enlevée dans la forêt par une tribu anthropophage (les indiens capahuanas) pendant quatre ans.
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Son troisième roman sort en 1960 et a pour titre Bubinzana : la canción mágica del Amazonas [10]. C'est le récit d'un exode vers “El Paraíso”, au plus profond de la forêt amazonienne péruvienne, mené par le Père Sandro, désireux de créer une ville utopique loin de la civilisation, accompagné par un sorcier qui a lui aussi ses propres objectifs.
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Et enfin en 1969, il publie Tangarana y otros cuentos [11], recueil de ses principaux contes, plusieurs d'entre eux publiés antérieurement et traduits en anglais, portugais et allemand. Mais ce sont ses romans qui lui rapportèrent le plus de succès.
[1] Extracteur de latex (caucho, shiringa).
[2] VELÁZQUEZ, Victor Hugo, conférence à la Maison de la Littérature Péruvienne, table ronde 110 ans de la naissance de Arturo Hernández, [en ligne]. Disponible sur : <https://www.youtube.com/watch?v=ZOGJFuDq5bI> (consulté le 21/06/2015)
[3] Primer encuentro de narradores peruanos Arequipa 1965, Intervención de Arturo D. Hernández en el tercer debate, Tema: evaluación del proceso de la novela peruana, Arequipa, Casa de la cultura del Perú, 1969, p. 259.
[4] “Tertulias Literarias en torno a la Literatura Amazónica”, [en ligne]. Disponible sur : <http://www.casadelaliteratura.gob.pe/?p=6581> (consulté le 21/05/2015)
[5] ZEVALLOS AGUILAR, Ulises Juan, Topografías, conocimientos locales y modernización de la Amazonía en Sangama (1942) de Arturo Hernández, en Ciberayllu [en ligne], (consulté le 21/05/2015).
[6] HERNÁNDEZ, Arturo Demetrio, Sangama : roman de la forêt amazonienne, Bruxelles, éditions Albin Michel, 1952, 323 p.
[7] HERNÁNDEZ, Arturo Demetrio, Sangama : novela de la selva amazónica, Lima, Imprenta Torres Aguirre, 1942, 474 p.
[8] HERNÁNDEZ, Arturo Demetrio, La Forêt Tragique, Paris, Editions Albin Michel, 1956, 278 p.
[9] HERNÁNDEZ, Arturo Demetrio, Selva Trágica, Lima, Juan Mejía Baca, 1954, 279 p.
[10] HERNÁNDEZ, Arturo Demetrio, Bubinzana: la canción mágica del amazonas, Lima, Imprenta del ministerio de guerra, 1960, 160 p.
[11] HERNÁNDEZ, Arturo Demetrio, La tangarana y otros cuentos, Lima, J. Godard, 1969, 247 p.

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